"Conquérir pour survivre" par Charles Verspieren
Charles Verspieren, Directeur des Assurance Affinitaires et de l'International, revient sur les décisions clés qui ont forgé le premier cabinet de courtage familial de France.
L'entrepreneuriat est un voyage fascinant mais semé d'embûches.
Parce que chez Seyna, nous aimons mettre en lumière les stratégies gagnantes en assurance, nous avons décidé de lancer "How We Made It", une série d'interviews présentant les stratégies et décisions qui ont transformé de petits cabinets en grandes sociétés de courtage.
Pour notre première interview, nous échangions avec Charles Verspieren, Directeur des Assurances Affinitaires et Spécialisées et de l'International, et membre du conseil d'administration de la société de courtage du même nom. En 5 générations, le cabinet Verspieren n’a jamais quitté le giron familial depuis son lancement en 1880. Une véritable prouesse sur un marché d’ordinaire marqué par les acquisitions de grands groupes et une concurrence internationale des plus féroces.
Quel a été le point de départ de l’aventure Verspieren ?
Charles (Verspieren): Le cabinet a été fondé en 1880 dans le berceau de l’industrie-textile, à Roubaix. Avec la mécanisation des moyens de production, les professionnels ont été de plus en plus confrontés à des risques d’incendie. Or, les moyens de prévention de l’époque - en termes de communication comme d'équipements - ne permettaient pas de se protéger efficacement contre de tels sinistres. Le seul moyen de maîtriser un incendie restait alors essentiellement… de s’en apercevoir suffisamment tôt. C’est donc pour accompagner les grands industriels à pérenniser leur activité malgré ce type de risques que Alfred Verspieren a créé la société d’assurance Verspieren.
Comment résumeriez-vous avec vos mots la philosophie du groupe Verspieren depuis ses débuts ?
Je dirais conquérir pour survivre, accueillir le risque, ainsi que cultiver la diversité.
"Conquérir pour survivre” parce qu’avec la désindustrialisation de l’activité textile dans le nord, c’est l’ensemble de son portefeuille client que Verspieren a perdu. L'entreprise a pu heureusement compter sur sa solide réputation en matière d'écoute client et d’apporteur de solution pour transposer son savoir-faire à d’autres secteurs comme la grande distribution, l’aviation ou encore l’industrie renouvelable.
“Accueillir le risque” car c'est très représentatif de notre culture client mais également de notre aptitude à prendre des risques quand la situation le requiert. Le droit à l'erreur reste d’ailleurs une valeur phare au sein de la compagnie, notamment comme part intégrante de la formation de nos équipes.
“Cultiver la diversité” en raison de la grande variété des talents qui compose nos équipes. A date, cela reste un axe phare de notre stratégie de recrutement. Nous embauchons des profils de tous les secteurs et corps de métier, souvent sans aucun bagage assurantiel afin d’entretenir cette culture de la remise en question et de l’innovation qui nous caractérise.
Ainsi, en tant que courtier, nous prêtons une oreille attentive à nos clients : ils nous partagent leurs problématiques et nous mettons en place des solutions : en bref, c’est une logique de co-construction.
C’est fascinant de voir comment une culture d’entreprise peut s’entretenir sur plus d’un siècle et perdurer ! Penchons-nous maintenant de plus près sur la stratégie business : quelles ont été les grandes étapes de la vie du cabinet ? Hormis la crise du textile dans le Nord, quels ont été les principaux obstacles que l’entreprise a dû affronter ?
La période des deux guerres mondiales est exceptionnelle dans la mesure où l'assurance est reléguée au second plan. Pendant la Première Guerre mondiale, certains actionnaires sont mobilisés sur le front, d'autres sont faits prisonniers, tandis que les usines sont réquisitionnées pour l'armement. La Seconde Guerre mondiale a porté un coup supplémentaire : tous les employés de Châteauroux ont dû être mutés pour permettre la poursuite de l'activité.
Une autre phase clé a été la mondialisation rapide du marché, qui a directement menacé l'indépendance de l'entreprise familiale. En 1980, Verspieren a lancé une stratégie de croissance externe, consolidant l'entreprise en tant que groupe sur la base d'un ensemble d'expertises sectorielles, réparties par division. En 1999, nous avons vendu notre compagnie d'assurance, Lloyd Continental, et nous nous sommes recentrés sur le courtage et le conseil. Cela nous a apporté une complémentarité avec le courtage et un accès au marché de la réassurance, mais la société devenait trop petite par rapport aux géants mondiaux de l'assurance. Ce choc culturel a été essentiel, car il nous a permis de nous concentrer sur notre principale force : aider nos clients à construire leur protection.
Qu’est-ce qui fait votre différence sur le marché du courtage ? Je crois savoir qu’il existe une véritable singularité en termes de gouvernance.
Vous devez faire référence au profil inhabituel de nos actionnaires. Chez Verspieren, les actionnaires font partie de l'équipe de direction et sont étroitement impliqués dans les opérations. Ils sont présents au quotidien dans l'entreprise, engagés auprès de nos clients et de nos collaborateurs pour suivre de près l'évolution du marché de l'assurance. Cette présence sur le terrain nous permet d'être extrêmement réactifs et agiles dans l'exploration de nouveaux territoires commerciaux. L'écoute des clients nous permet de nous adapter rapidement et de fédérer l'ensemble des équipes autour de la satisfaction du client. Nous nous définissons avant tout comme des entrepreneurs au service d'autres entrepreneurs.
Nous fonctionnons également en cycle court, en demandant régulièrement aux départements de mettre à jour leur plan stratégique. Cela nous permet de donner à nos clients et à nos employés une visibilité concrète sur notre trajectoire, que ce soit en termes d'outils informatiques ou d'espaces de travail.
On voit bien que la co-construction infuse à toutes les strates de l’entreprise. Cela dit, la magie s’opère parfois sur des arbitrages précis à un instant-T. Quelles ont été selon vous les meilleures intuitions business de l’entreprise à date ?
J’en citerai deux. Tout d’abord, l'écoute d’un client qui souhaitait se développer sur le marché américain alors que nous n’étions pas encore présent à l'international. Nous avons eu l’audace d’aller voir un courtier aux Etats-Unis pour vérifier la viabilité d’un partenariat pour aider notre client dans son implantation. Résultat : Non seulement notre client a été assuré là-bas mais ça a été les prémices de Verspieren International dont je viens de reprendre la direction.
Ensuite, il y a 30 ans, un partenaire nous a confié sa volonté de générer un chiffre d’affaires additionnel à partir de ses ventes. C’est là qu’est né chez nous le département affinitaire où nous avons réussi à faire revenir les clients en magasin en intégrant des services assurantiels dans une carte de fidélité.
Charles, merci pour toutes ses informations. C’est l’heure de notre double question signature pour How We Made It : Quel est votre plus beau souvenir au sein du groupe et quelle est l’entreprise qui vous inspire au quotidien ?
Pour le plus beau souvenir je citerai l’histoire d’une satisfaction client qui a mené à l’ascension du Mont-Blanc. En 2015-2016 un de nos clients en formation, un groupement de guides de haute montagne nous a reçu en mode “Je suis venu chez vous, à vous de venir chez moi, montez une petite équipe de 10 personnes et faisons ensemble l’ascension du sommet.” Un moment extraordinaire !
Coté entreprise inspirante, je dirais Exotec. D’abord parce que cette start up nordiste vient de Wasquehal, là où se trouve le siège de Verspieren. Ensuite pour son innovation : c’est une entreprise qui a créé des robots pour faciliter les transports en interne de grands hangars, notamment des Amazon qui ont l’habitude de gérer un volume conséquent de colis. Enfin, parce qu’il s’agit de la 25e licorne française.