Insights

Où investir en assurance en 2025 ?

Fin 2024 ressemble à une pré-apocalypse. Pour l’assurance, une réponse instinctive serait de se replier sur ses acquis. Mais ce serait une erreur.

Où investir dans l'assurance ? Seyna 

Fin 2024 ressemble à une pré-apocalypse.

Conflits internationaux, craintes liées au retour de Trump à la Maison Blanche, une dette publique française à 3 000 milliards d'euros (115% du PIB), et une inflation qui persiste à 3,5%, un ralentissement économique prévu en France. Les catastrophes naturelles ont franchi pour la quatrième année consécutive la barre des 100 milliards de dollars de sinistres. La fraude à l'assurance explose (+18,3% en 2023), atteignant 695 millions d'euros.

Pour l’assurance, une réponse instinctive serait de se replier sur ses acquis. Mais ce serait une erreur. Les périodes de turbulence sont propices à l'émergence de nouveaux leaders. Amazon a été fondé pendant la récession de 1994, Airbnb pendant celle de 2008. Pourquoi ? Parce que les contraintes forcent la créativité.

Cette tribune identifie trois axes d'investissements critiques pour 2025. Non pas des ajustements marginaux, mais des axes de transformations fondamentaux qui définiront les leaders de demain.

Fluidifier l'accès à la capacité de portage de risque

Le paysage du portage de risque est en pleine mutation. Si la capacité d'assurance globale affiche une hausse de 10% par rapport à 2023 (WTW, 2024), cette statistique masque une réalité plus complexe : l'accès au portage de risque est devenu extrêmement hétérogène selon les lignes métier et la taille des entreprises.

Certaines branches telles que la santé sont particulièrement touchées. Avec des taux de pivot à plus de 10%, le nombre d'acteurs de la complémentaire santé continue sa concentration, avec la sortie de 75% de ses acteurs par rapport à 2001 (Rapport DREES 2023).

Cet exode des porteurs de risques est encore accentué par la reprise des marchés financiers qui permet aux assureurs et réassureurs d'obtenir de meilleurs rendements ailleurs. La conséquence ? Il faut désormais générer davantage de marge pour donner envie aux porteurs de se lancer dans de nouveaux programmes.

Notre conviction : le marché va inexorablement se diriger vers toujours plus de co-assurance et de collaboration. Plutôt que se voir comme concurrents, les assureurs pourraient travailler ensemble pour maintenir leurs parts de marché. Cette pratique se répand rapidement sur certaines lignes métier comme les risques industriels ou les énergies renouvelables. Elle permet de diversifier les portefeuilles et de mitiger les risques. En travaillant ensemble, des acteurs complémentaires peuvent maintenir la capacité et mieux maîtriser le risque : un assureur peut apporter la force de bilan, l’autre son expertise technique ou opérationnelle. 

Conclusion : nous devons, en tant que secteur, investir massivement dans les solutions qui nous permettront de gagner en flexibilité et réactivité sur l'allocation du portage de risques. Les acteurs qui sauront orchestrer efficacement ces partenariats multiples seront les grands gagnants de demain.

Réduire ses coûts opérationnels : une question de survie

La hausse des coûts de sinistres et de l’inflation met en péril jusqu'aux fondements de nos modèles. Le transfert de charge du public vers le privé en Santé en est l'illustration la plus frappante : +858 millions d'euros pour les seuls actes des professionnels de santé en 2024 (Sénat, 2024). Les problèmes de pouvoir d’achats, accentués par la hausse d’impôts qui découlera de la dette publique, font que la solution ne pourra tenir qu’à la seule augmentation des prix de l’assurance. Il faut réduire les coûts.

Avec un ratio combiné de 98,5% en 2023 en non-vie et une prévision de 98,7% pour 2024 (Institut des Actuaires), le secteur français accuse un retard significatif par rapport aux pays nordiques affichant des ratios inférieurs à 90% ou encore nos voisins européens stabilisés à 95%.

Transformer nos opérations n'est plus une option, c'est une nécessité immédiate. Les acteurs qui ne resserrent pas leurs coûts devront composer avec un ratio combiné intenable, car l’assuré ne pourra pas payer plus cher dans ce climat économique. Ils pourront continuer à souscrire et gérer des contrats, mais devront mener des revalorisations brutales en 2026-2027, qui les placeront hors marché. L’optimisation doit se faire au niveau de la gestion, de la distribution, mais aussi des frais internes assureur.

Heureusement, les leviers d'optimisation existent. L'intelligence artificielle promet une réduction des coûts opérationnels jusqu'à 30% (McKinsey, 2024). Le cloud computing, déjà adopté par 91% des assureurs français, démontre une rentabilité supérieure de 40% par rapport aux systèmes traditionnels (Capgemini, 2024). Reste encore la migration vers du SaaS plutôt que le logiciel sur-mesure - qui ne fait que démarrer dans cette industrie.

Mais l'automatisation n'est qu'une partie de l'équation. L'optimisation en 2025 devra être multidimensionnelle. Elle commencera par les fondamentaux : éliminer les doublons dans vos CRM pour éviter les pertes de temps quotidiennes de vos équipes, revoir systématiquement vos garanties pour identifier les zones de friction. Elle passera ensuite par vos processus : renforcer la prévention des risques, automatiser ce qui n'apporte pas de valeur à vos clients. Elle culminera dans la transformation de vos relations externes : renégocier intelligemment avec votre écosystème de partenaires, optimiser vos circuits de distribution. 

La course à l'efficience est lancée. Les acteurs qui sauront combiner automatisation intelligente et optimisation traditionnelle seront les mieux positionnés pour absorber les chocs à venir.

Organiser sa data et sa gestion de la donnée pour les LLM

70% des dirigeants anticipent une transformation majeure par l'IA générative dans les trois prochaines années (PWC, 2024). Pour autant, son exécution reste complexe : seulement 25% des entreprises considèrent leurs pratiques de gouvernance des données comme matures (Covéa, 2024), et 77% craignent la perte de données comme risque principal (Archimag, 2024). Le fossé entre ambition et réalité n'a jamais été aussi grand.

Les solutions technologiques existent pourtant. Semarchy accompagne déjà APRIL, en permettant de réduire la fraude grâce à une vue client à 360°, tandis que Stibo Systems propose des solutions de gestion de la donnée spécialisées assurance. De fait, 36% des entreprises travaillent déjà sur des cas d'usage IA concrets (Covéa, 2024). La révolution est devant nous et tout le monde aura accès aux technologies. 

Cependant, uniquement les acteurs ayant investi dès 2025 dans l’organisation de leur data pourront en profiter.

Sans une organisation rigoureuse des données, même les meilleurs outils d'IA resteront sous-exploités - et vos concurrents prendront une longueur d’avance difficile à rattraper. Cartographier vos sources de données (CRM, gestion sinistres, facturation), identifier et éliminer les doublons, standardiser les formats, enrichir les métadonnées pour préparer l'exploitation par les LLM, fusionner les différents systèmes indépendants, etc. telles sont nos priorités.

La conformité réglementaire ajoute une couche de complexité. RGPD, NIS-2 (Septembre 2024), CSRD : chaque nouvelle réglementation impose ses propres exigences en matière de données. Mais la conformité ne doit pas être une excuse. C’est une contrainte à traiter, et il faut tout de même avancer vite.

L’autre véritable investissement n'est pas technologique. Il est humain.

La transformation vers une culture Data représente un changement de paradigme profond. Il ne s'agit plus de considérer la donnée comme la chasse gardée de l'IT, mais comme une responsabilité partagée par tous. Chaque équipe, chaque collaborateur devient producteur et consommateur de données. Cette transformation culturelle prendra du temps - probablement plusieurs années - et nécessitera un engagement constant de la direction.

La course à l'IA est lancée, et seuls les acteurs ayant investi dans la préparation pourront y participer.

Conclusion : Oser l'investissement en période de repli

Fin 2024 ressemble à une tempête parfaite : dette record, tensions géopolitiques, explosion des cyberattaques. Face à ces défis, la majorité des assureurs se replie sur ses acquis. C'est une erreur.

Les gagnants de 2025 seront ceux qui oseront transformer leur modèle maintenant. Co-assurance, refonte des processus opérationnels, culture data pour préparer pour l’IA, indemnisation réinventée : les leviers sont identifiés. Dans un marché qui se rétracte, c'est le moment d'innover. Les positions dominantes de demain se construisent aujourd'hui.

Dans la même thématique